Notes d’un voyage en Auvergne et dans le Limousin Saint-Léonard-de-Noblat
Prosper Mérimée, Notes d’un voyage en Auvergne et dans le Limousin, H. Fournier (Paris), 1838, p. 77-84.
De quelque côté que l’on arrive à Saint-Léonard, la position pittoresque du bourg, situé sur une éminence, attire d’abord l’attention, et la tour élevée qui domine l’église, mélange des styles bysantin et gothique, prépare le voyageur à l’aspect singulier de toute la fabrique.
[...]
Ce n’est que dans le porche du Nord que j’ai trouvé des chapiteaux historiés. D’ailleurs, la fantaisie et la variété des compositions les rendent beaucoup plus remarquables que leur exécution, et pour en finir avec l’ornementation de Saint-Léonard, je dirai qu’elle est en tout point inférieure à celle de la plupart des églises bysantines bâties dans les XIe et XIIe siècles. La tour a quatre étages : le premier carré et percé de fenêtres en ogive émoussée surmontées de pinacles fort aigus, qui sont peut-être des additions relativement modernes.
A partir de cet étage la tour devient octogone, mais ses fenêtres sont en plein cintre. Le couronnement présente une arcature plaquée qui soutient un toit très aplati, d’un effet agréable. Suivant toute apparence, il n’entrait pas dans le plan des premiers architectes de Saint-Léonard, de donner à la tour une si grande hauteur, peut-être même d’en construire une, car il est douteux que le porche ait été destiné à la recevoir. Du moins il est contraire à toutes les pratiques de l’architecture bysantine de placer une tour sur une base évidée de la sorte. Enfin, bien qu’on puisse arguer du rapprochement des piliers qui forment cette base, qu’ils ont été disposés pour soutenir un poids considérable, la comparaison que l’on peut faire entre l’ornementation du premier étage de la tour et celle du porche prouve sans réplique, je pense, qu’il s’est écoulé un intervalle de temps considérable entre la construction de ce dernier et celle de la tour.[...]
Les stalles de Saint-Léonard en bois sculpté, d’un travail curieux, offrent une suite de fantaisies très bizarres et souvent fort obscènes ; je les crois du commencement du XVIe siècle. On y voit un porc prêchant devant des oies, ailleurs un moine embrassant fort amoureusement une femme qu’à son costume on pourrait prendre pour une religieuse. Plus je vois d’exemples de ces bouffonneries sacrilèges, plus l’explication m’en semble difficile. A l’époque surtout où ces boiseries ont été sculptées, on n’a pas la ressource d’attribuer à la simplicité et à la naïveté des mœurs l’indécence de ces sujets, que dans un siècle plus reculé on eût peut-être exécutés sans malice. Alors commençait une opposition religieuse, la critique se déchaînait contre les mœurs du clergé, et quelle bonhomie ou quelle indifférence ne lui faut-il pas supposer pour qu’il admit sans scrupule les traits les plus satiriques dirigés contre lui-même !
L’œuvre et le territoire
Après la « déception » creusoise, Prosper Mérimée découvre la Haute-Vienne avec Saint-Léonard ; il s’attarde sur l’église et sur la tour qui lui est associée et à propos de laquelle il se pose bien des questions.
À propos de Notes d’un voyage en Auvergne et dans le Limousin
Parues en 1838, les Notes d’un voyage en Auvergne et dans le Limousin sont en fait des extraits d’un rapport adressé au ministre de l’Intérieur par Prosper Mérimée, alors inspecteur général des Monuments historiques.
Localisation
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