Province, capitale Limoges
Bernard Cubertafond, Province, capitale Limoges, Dumerchez-Naoum, 1987.
3 œuvres
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Mais il est des chemins...
Bernard Cubertafond
1987Mais il est des chemins plus troubles. Chaque ville a sa zone enclose des turbulences, lit précaire des secrets. Ici c’est le Champ de Juillet,…
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Au commencement...
Bernard Cubertafond
1987Au commencement étaient la Vienne et la campagne. On y est sans y prendre garde à deux doigts de la mairie et de la cathédrale. Retour à soi…
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Un vendredi soir...
Bernard Cubertafond
1987Un vendredi soir, chaque fin d’octobre, rue de la Boucherie jaillissant de la pénombre, piétinements dans les victuailles, pâtés de pommes de terre…
L’œuvre et le territoire
Dans ce petit essai publié en 1987, Bernard Cubertafond dépeint un Limoges sensible, son Limoges. À travers les lieux, les habitudes, les couleurs, les odeurs et les habitants, l’auteur nous fait découvrir une succession de séquences mêlant souvenirs personnels et faits d’actualité, dessinant une chronique subjective du Limoges « fin de siècle ». Ce Limoges ne se laisse pas apprivoiser. Il n’est ni idéal, ni désespérant, il oscille entre enclavement, immobilisme, discrétion et désirs contradictoires de changements. Cet ouvrage est donc également le tableau d’un Limoges qui disparaît, que l’on regrette mais dont on désespère aussi d’attendre le renouveau.
Qu’importe si c’est beau ou pas
: l’auteur pose sur sa ville un regard souvent acerbe voire moqueur. Limoges et ses complexes, ses freins, ses frustrations.
Enfouissements, néant, limogeages, traîne toujours l’histoire ancienne : en septembre 1914 ici furent expédiés les généraux disgraciés. Mise au rebut, retour à la terre nourricière. Silence encore et encore.
Divorce chronique entre la vraie province et la société du spectacle. Allergies, rythmes incompatibles ? Nouveautés passées au tamis. Certitude de durer. Comédie de l’éphémère. Tout passe. Tout casse, tout lasse. Narquois rentré, le limougeaud regarde la comédie du monde. À quoi bon se faire remarquer ? Spécialité locale : se taire. Limoges, capitale des sous-entendus, paradis du filtre. Multiples laissez-passer implicites pour tenir l’étranger à distance. Au moins deux ans d’initiation avant d’être admis au sérail. Étouffoir des dynamismes.
Je suis un limougeaud pure souche. La preuve, je n’ai parlé que du constant, et périmé sans doute. Aurais-je aussi dépassé la limite de fraîcheur ? J’ai reniflé le manque sans même l’ambition de vouloir le combler. Immobilité morbide. Défaitisme complaisant. Tête basse. Nous traînons dans nos vieux murs. Le dynamisme vient d’ailleurs.
[...]
Bien sûr je parle, je pérore : le nouveau rectorat n’est qu’un cube, l’hôtel de région sera banal, copie d’Orléans comme déjà l’hôtel de ville, copie de Paris. Réductions. Répliques. Occasions manquées. Colonisation. Défaut chronique d’imagination. Peur effrénée du ridicule.
À travers les souvenirs d’école, de famille, les goûts et les sons, le propos est toutefois également tendre et nostalgique. La démarche, résolument universaliste. Pour l’auteur, Limoges est un stigmate autant qu’elle est une ressource.