Le dieu qui dort Pour moi qui ne prie pas...
Jean-Paul Chavent, Le dieu qui dort, Les éditions du Laquet, 1997, p. 17-19.
Pour moi qui ne prie pas, il y a cela ici, il y a cela d’abord, dans ce pays d’Obazine. Il y a du noir dans tout ce vert. Cette chose noire en nous qui est plus que nous-mêmes, qui vient de plus loin, qui était déjà dans ceux qui nous précédèrent, moines austères ou simples paysans, et conduisit leur esprit à inventer ces archétypes lumineux et rassurants qu’à notre tour nous venons voir et reconnaître : la foret primitive, la colline sacrée, la source de vie.
Pour moi qui ne sais pas ce qu’est l’âme, je crois qu’il y a cela, bien suffisant, à l’origine des processus de symbolisation qui œuvrent dans notre imaginaire, et à quoi une secrète connivence nous lie : l’arbre, la pierre et l’eau. Tout ce que, faute d’être véritablement au monde, nous nommons et sanctifions pour ne pas être happés par l’informe, ce creux du vent qui tout à l’heure nous laissa au bord de nous-même, fantôme hébété que la nature appelle et regarde mourir.
Car nous n’habitons pas un paysage, mais ses espaces rêvés, subjectifs.
À propos de Le dieu qui dort
Le roman Le dieu qui dort de Jean-Paul Chavent est une méditation autour du paysage et du village d’Aubazine en Corrèze, et plus particulièrement autour du canal que les moines y ont creusé.
Ce n’est pas nous qui disons le lieu, c’est lui qui nous dit.
La perte de la relation au monde est la nouveauté tragique du siècle qui finit. Il se peut que l’unification — l’unification mondiale des regards — soit le prix à payer pour faire partie du monde qui vient. Qu’est-il encore possible de voir des paysages, des lieux de mémoire ou de spiritualité où s’inventèrent notre culture et notre imaginaire ?
Qu’est-il possible d’inventer ? C’est à la recherche de ce site intérieur, depuis le mur du monastère à celui de Facebook, que nous invite ce livre où la nostalgie compte moins que la conquête d’un nouvel éblouissement.
Localisation
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