Lettres sur le Limousin Cinquante-et-unième lettre. Saint-Yrieix, mai 1857. : Mais ce que je ne saurais passer sous silence...
Henri Alexandre Flour de Saint-Genis, Lettres sur le Limousin, Les Ardents Éditeurs, 2013, p. 301.
Mais ce que je ne saurais passer sous silence, c’est la découverte en 1765, par M. Darnay, chirurgien à Saint-Yrieix, du kaolin ou terre à porcelaine dans un champ appelé Clos-de-Barre, à une demi-lieue de la ville. Cet homme, qui a créé pour le Limousin et pour la France entière une source intarissable de richesses, devrait avoir une statue de trente coudées de haut, et son nom est à peine connu dans son pays même, car on l’appelle Darnay, Darnet, et même, je ne sais pourquoi, Dardon ou Bardou. Or, voici comment la chose advint :
« Le savon, comme cela arrivait pour beaucoup d’autres denrées, alors que le Limousin n’avait aucune route praticable, vint à manquer dans cette ville. La femme d’un chirurgien, Mme Darnay, qui avait déjà employé cette argile pour enlever des taches de graisse, eut l’idée qu’à défaut de savon, elle pourrait, à raison de son onctuosité, le remplacer dans le blanchissage du linge. L’essai qu’elle en fit lui ayant réussi tant bien que mal, elle fit part de sa découverte à son mari, qui, soupçonnant que cette matière blanche et onctueuse contenait une essence de savon naturelle, crut devoir consulter Villaris, pharmacien distingué de la ville de bordeaux, sur les moyens de l’extraire. »
« Celui-ci reconnaît dans cette argile le véritable kaolin des Chinois et des Allemands. Il se rend à Saint-Yrieix, prend des renseignements sur les lieux où il se trouve, y fait des recherches, part, et de retour à Bordeaux, écrit au ministre Bertin pour lui annoncer la découverte qu’il vient de faire, et lui offrir la vente de son secret. »
L’œuvre et le territoire
Dans cette lettre, le narrateur évoque la découverte du kaolin, matière première de la porcelaine, à Saint-Yrieix-la-Perche en 1765, par le chirurgien Jean-Baptiste Darnay. Celui-ci signale à un apothicaire l’existence de cette terre, d’abord utilisée par sa femme pour faire sa lessive.
L’analyse révèle la pureté du kaolin. Des dizaines de carrières d’extraction s’ouvrent à partir de 1769 ainsi que des manufactures porcelainières.
C’est à cette découverte de gisement d’argile blanche que Limoges doit d’être la capitale de la porcelaine en France et que la première manufacture royale de porcelaine s’implante dans la ville en 1771.
À propos de Lettres sur le Limousin
Lettres sur le Limousin prend la forme d’une succession de soixante-quatre lettres, adressées par M. Durand, prête-nom du narrateur, à son médecin parisien, et publiées dans le quotidien local le Vingt Décembre entre le 28 février 1857 et le 3 novembre 1858.
En 2007, Les Ardents Éditeurs proposent pour la première fois une édition regroupant en un volume l’ensemble de ces lettres restées anonymes. De nouvelles recherches et le fruit du hasard ont pu leur permettre de reconnaître en Henri Alexandre Flour de Saint-Genis, l’auteur de ce texte rare, réédité en 2013.
Ces lettres invitent leur destinataire à la découverte du Limousin, et plus particulièrement de la Haute-Vienne, en s’attachant à en présenter ses beautés naturelles et patrimoniales, son paysage et son histoire, tout en faisant appel à l’économie, l’anthropologie, la statistique...
L’auteur propose à travers cette correspondance un véritable récit de voyage, dans la lignée du Voyage en France d’Arthur Young, mais d’inspiration romantique.
Dans sa première lettre, l’épistolier expose sa démarche : selon les conseils de son médecin, il doit suivre un programme défini, qui consiste à vivre en plein air, faire de l’exercice, voyager, changer de lieux, fatiguer son corps, s’astreindre à un travail intellectuel, et en donner un compte-rendu quotidien à son médecin. L’auteur pose ainsi cette ordonnance médicale comme le prétexte à ses voyages et à la correspondance qui en résulte.
Au gré de ses déplacements, des ses explorations, Henri Alexandre Flour de Saint-Genis propose ainsi un aperçu « statistique » du Limousin, mêlant notamment démographie, géologie, économie et industrie... Il se fait aussi l’écho des hauts faits historiques ou légendaires, revenant ainsi aussi bien sur le sac de Limoges de 1370, comme Élie Berthet dans Le Château de Montbrun (1847) que sur la légende de la fondation de Saint-Léonard-de-Noblat, en donnant une version bien différente du même Élie Berthet dans Saint Léonard – Chlodwig-le-Chevelu... S’ils évoquent les noms fameux dont la gloire peut rejaillir sur le Limousin, rares sont ses références à la littérature évoquant le Limousin ; la référence à Jules Sandeau et à son Docteur Herbeau est ainsi notable.
Localisation
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