La Pierre à boire Mais ai-je seulement...
Gérard Laplace, La Pierre à boire, Orizons, 2008, p. 37-38.
Mais ai-je seulement prononcé son nom... la Creuse ?... Préceltique crosa, n’est-ce pas, vallée profonde. Le mot est-il cocasse ? Nombreux y accèdent pour la première fois à la recherche d’une parentèle par la Souterraine et se perdent, vers Mortrou. La caricature sourd des moellons cagneux, des rivières acides. Le géographe donne des gages à ce destin toponymique désignant un « relief en creux ». Mes goûts singuliers pour le couple éros-thanatos, pour les ventres juvéniles blancs et concaves et pour l’espèce de nimbe autour des mots, trouvaient à se satisfaire de ces invitations onomastiques. Une femme, dont le nom évoquait l’Arménie, avait eu ce mot, sur la radio locale : « La Creuse, ce n’est pas une fille facile ». Il se trouve que j’ai une prédilection, pour les terres granitiques, c’est entendu, mais aussi pour les filles difficiles, et pour les ventres creux et les seins de la grosseur des nèfles ; je confirme, mes terres avaient une morphologie dépressionnaire conforme à mon désir, je vérifiais sur site la véracité des collusions érotiques, des formulations géographiques et la polysémie du mot cristallisation.
L’œuvre et le territoire
Dans cet extrait, le narrateur évoque l’impression que lui a fait la Creuse à son arrivée, faisant l’analogie avec les femmes pour lesquelles il a une « prédilection ».
À propos de La Pierre à boire
La Pierre à boire est le premier roman publié de Gérard Laplace. Le narrateur se livre à des descriptions de territoires et des saisons mêlées au récits de ses rencontres et de ses amours.
Naïf et subjugué, le narrateur de La Pierre à boire est un raporta au village ; le premier à s’être agrégé, venu d’ailleurs. Les lieux qu’il traverse lui procurent mille occasions d’attiser ses passions ordinaires pour les paysages décousus, les mégalithes, les fontaines et les créatures qui semblent les hanter.
« Pays d’oïl, Pays d’oc »... C’est une curieuse façon de dire, aujourd’hui, mais ce rêveur de langage, saute-frontière, dit curieusement les choses ou les laisse dire par la mention des couleurs, les titres des livres, les découvertes d’anagrammes et de langues perdues. Les lieux-dits acheminent les récits, croit-il...
(Éditions Orizons)
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