Les aventures d’Augustine Lourdeix La Ville noire La construction, mal aérée et vétuste...
Nicolas Bouchard, La Ville noire, Culture & Patrimoine en Limousin, 2006, p. 150-153.
La construction, mal aérée et vétuste, remontait à 1855, aux temps de David Haviland, le fondateur de la lignée. Depuis, à cause de l’augmentation considérable de la production et de la ladrerie proverbiale des porcelainiers, les conditions de travail ne cessaient de se dégrader. Il régnait dans cet immense hangar une atmosphère délétère et empoisonnée qui grappa immédiatement le jeune homme.
— Comment peut-on respirer cela ? maugréa t-il.
— Les poudreuses que nous allons visiter fixent sur les plats la poussière de couleur. Elles respirent sans cesse un mélange de composants chimiques et de plomb qui les tue lentement par phtisie et saturnisme. Peu vivent au-delà de quarante ans. Pour tout dire, je ne souhaiterais pas un tel sort à mon pitre ennemi…« L’atelier de chromolithographie occupait toute la partie centrale du bâtiment. Sa haute structure métallique créait un saisissant effet de perspective, encore renforcé par l’alignement des tables de travail jusqu’au fond de la pièce. Il y régnait une odeur affreuse, plus concentrée encore qu’à l’extérieur. Les deux hommes, précédés de la femme qui les avait accueillis, empruntèrent l’allée centrale, se frayant un chemin au milieu d’une double rangée d’ouvrières en tenues de travail usées et couvertes de tâches.
Soumagnas nota leurs visages de paysannes limousines rudes et butées. Il remarqua aussi de nombreux stigmates de la maladie : teint blafard, souffle court, yeux creux et respiration sifflante.
Dès cinq heures du matin, à l’aube d’une longue journée de douze heures, elles présentaient déjà tous les signes de l’épuisement... Les femmes restèrent obstinément silencieuses à leur passage, à peine quelques-unes lancèrent-elles des plaisanteries à l’attention de Raoul qui n’entendait pas le limousin et n’osa donc y répondre. Sur les tables de travail, les piles d’assiettes que l’on poudrerait alternaient avec les pots de couleurs au plomb utilisées pour les décors. La surveillante passait derrière la table, dans un espace réservé à cet usage, afin de contrôler le travail, fustiger les maladroites et déduire de leur paye les pièces ratées.
« Les femmes, disait-on, ne se proposaient comme poudreuses que lorsqu’elles crevaient de faim. Un jour, toutes ces vies de misères dévorées par un labeur interminable et par les maladies, harcelées par des contremaitresses plus sévères que les patrons, viendraient demander des comptes. Égoïstement, il espérait bien ce jour-là se trouver le plus loin possible...
L’œuvre et le territoire
Dans cet extrait, l’auteur décrit l’extérieur et l’intérieur de l’usine de porcelaine Théodore Haviland, qui se trouvait à l’emplacement actuel du centre commercial Saint Martial, avenue Garibaldi.
À propos de La Ville noire
La Ville noire est le premier volume de la trilogie de Nicolas Bouchard qui prend Limoges pour toile de fond.
Limoges, 1900. Deux femmes sont sauvagement assassinées à quelques jours d’intervalle. Toutes deux ont été retrouvées amputées de leurs organes génitaux. La police ne dispose pratiquement d’aucun indice pouvant la mettre sur la voie du coupable. Si ce n’est que les deux victimes avaient recours aux petites annonces pour rencontrer des hommes. L’idée de tendre un piège à l’assassin germe alors dans l’esprit du jeune et brillant inspecteur Raoul Coutard. Pourquoi ne pas demander à Augustine, sa fiancée, de jouer le rôle d’appât ? La jeune fille passerait une annonce et laisserait le meurtrier s’emparer d’elle avant que la police ne lui mette la main dessus.
Localisation
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