La Page de catéchisme La baignade...
Albert Valade, La Page de catéchisme : Oradour-sur-Glane, Les Villages sans enfants, Éditions de la Veytizou, 1999, p. 119.
La baignade dans la Glane
Les mamans sont très malheureuses, leurs filles ne sont plus là, et nous sommes encore des adolescents. Pourtant, elles assument pleinement leur rôle de maîtresses de maison, mais, bien souvent, leurs yeux sont embués de larmes. Nous-mêmes avons des moments difficiles, mais la vivacité et l’égoïsme de nos quinze ans nous poussent en avant. Souhaiterions-nous vieillir vite, et oublier ?
Depuis la Libération, notre loisir favori est la baignade dans la Glane, malgré les inquiétudes de nos mères : « Sa sœur a été brûlée, lui va se noyer. » Il est vrai que cet exercice est encore peu courant. Enfant, j’éprouvais une sorte de crainte quand je passais sur un pont. Je ressentais la même chose lorsque je marchais le long de la rivière, avec, en plus, un léger vertige. Les anciens ne disaient-ils pas que l’eau attire ? J’avais cependant déjà une grande envie d’apprendre à nager.
Le dimanche, des jeunes gens venaient de Limoges, pour se baigner à l’écluse du moulin. Certains savaient nager, et nous les observions avec admiration, surtout ceux qui plongeaient depuis la berge. Un jour, un peu en amont, vers le pont de l’Erbeillou, là où la rivière est moins profonde, après avoir quitté nos chaussures et retroussé nos pantalons, nous avons mis les pieds dans le cours d’eau, en nous retenant aux herbes de la berge pour y pénétrer le plus doucement possible.
À propos de La Page de catéchisme
Albert Valade avait quatorze ans en 1944 lors du massacre d’Oradour-sur-Glane. Occupé dans un champ à garder son troupeau, il entend pour la première fois les détonations des mitrailleuses. Il aperçoit de la fumée en provenance d’Oradour à quelques kilomètres de là, puis il reçoit, entre les mains, une page de catéchisme brûlée.
Il raconte dans cet ouvrage-témoignage, la vie à Oradour, avant et après cette journée, présentant ceux qui ont été tués ce jour-là et ceux qui, comme lui, ont survécu.
Son récit est poignant, sobre, sans affectation. Il a su faire revivre avec beaucoup d’émotion et de sensibilité, l’atmosphère particulière de cette époque. Il a évoqué avec pudeur tous ces visages innocents à jamais disparus. Il a décrit l’immense douleur, vécue dans le silence, de ceux qui ont attendu en vain le retour de ces enfants partis pour toujours dans leur éternité.
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